Tuesday, October 23, 2012

Sancta Kateri, Ora Pro Nobis

En 1744, dans son Histoire et description générale de la Nouvelle France, le père de Charlevoix -- à la mémoire duquel ce blogue doit son nom -- écrivait que Catherine Tekakwitha était "universellement regardée comme la Protectrice du Canada".  Les Jésuites en avaient fait l'hagiographie et les habitants de la colonie la reconnaissaient comme une sainte, quoique de manière officieuse, sans l'aval de Rome.
Catherine Tekakwitha, peinte après
sa mort par son confesseur et premier
promoteur, le Jésuite Claude
Chauchetière.  Si ses traits ont
été adoucis par l'artiste, son costume
représente toutefois parfaitement
bien son habillement: s'il-vous-plaît,
oublions la robe de cuir frangé, les
deux tresses et le bandeau de la
"princesse indienne" stéréotypée! 
Cette semaine, Catherine alias Kateri Tekakwitha accédait officiellement au rang des saints de l'Église catholique.  Après le Frère André Bessette, canonisé en 2010, elle devenait la douzième sainte "canadienne".  Les nombreux journalistes qui l'ont décrite comme "la première sainte autochtone de l'Amérique du Nord" ont cependant révélé une maîtrise bien superficielle de la géographie: comme vous le savez, chers amis, l'Amérique du Nord ne se limite pas au Canada et aux États-Unis; à ce titre, le premier autochtone à être reconnu saint fut Juan Diego Cuauhtlatoatzin (1474-1578), ce Nahua qui aurait assisté à l'apparition de la Vierge de Guadalupe en 1531.  Il serait bien dommage que cette canonisation, qui n'est soit dit en passant pas sans controverse (nombreux sont les Mohawks et autres autochtones qui voient en Tekakwitha non pas un modèle, mais une "vendue"), nuise plus qu'elle ne profite à notre compréhension de l'individu, de son contexte, et de la situation historique et contemporaine des peuples autochtones. 
Pour ceux d'entre vous qui voudraient en apprendre plus long sur l'histoire de Tekakwitha, vous ne pourriez mieux faire que de lire l'excellent ouvrage d'Allan Greer, Mohawk Saint: Catherine Tekakwitha and the Jesuits (Oxford University Press, 2006), traduit en français par Hélène Paré sous le titre de Catherine Tekakwitha et les jésuites: La rencontre de deux mondes (Boréal, 2007).

P.-F.-X.

2 comments:

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  2. Un très cher lecteur vient de me faire remarquer que Tekakwitha est véritablement la première "sainte" autochtone, puisque Juan Diego est un "saint". C'est vrai. Mais je répondrais que les journalistes francophones ne se sont pas attardés à la subtilité du genre; leurs compères anglophones ont parlé de "first Native American saint" et de "first Native North American saint".

    P.-F.-X.

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