Que serait l'état de la connaissance historique au Québec sans Denis Vaugeois? Le Devoir de ce matin contient de lui un article dont le titre est sans équivoque: "Le traité de Paris de 1763 est le document le plus important de notre histoire" L'historien-éditeur national y souligne que quoique la Bataille des Plaines d’Abraham ait été érigé en véritable mythe fondateur du Canada, elle n'a rien réglé au conflit franco-britannique qui ne trouva son aboutissement qu'avec le Traité de Paris. Ce n'est qu'alors que le sort de la Nouvelle-France fut enfin scellé.
Alors que l'article de Mark Bourrie, cité dans mon dernier billet, tente le rapprochement de la Guerre de Sept Ans à celle de 1812, Vaugeois s'attarde plutôt sur son lien avec la Révolution américaine. "Le mouvement même d’indépendance", écrit-il, "trouve son origine dans le traité de 1763."
À ceux qui voudraient croire que tout a été dit et écrit sur la Conquête depuis l'époque de Guy Frégault, Vaugeois rétorque que "Les négociations menées à Paris entre 1759 et 1763 n’ont pas encore livré tous leurs secrets. Personne n’a encore clairement tranché entre cession ou abandon. [...] Aujourd’hui, des recherches plus poussées suscitent de nouvelles questions. Ainsi, en étudiant le sort fait au 'papier du Canada', c’est-à-dire la monnaie alors en circulation, on découvre que ce sont les Canadiens qui ont en quelque sorte financé la guerre en Amérique." (Il ne cite pas de nom Catherine Desbarats, de l'Université McGill, mais on peut noter de passage que c'est elle l'experte en la matière. Les spécialistes attendent impatiemment de lire le fruit de ses recherches sur l'économie coloniale et la dette d'état dans la foullée de la Guerre de Sept Ans.)
Denis Vaugeois n'est pas le seul à crier ainsi dans le désert. Un certain Jean-Pierre Gendreau-Hétû publiait il y a quelques jours un autre article dans Le Devoir soulignant l'importance du Traité de Paris. Mais Vaugeois a des poumons forts : ayant débattu la question avec d'autres historiens au Musée Pointe-à-Callière samedi le 9 février, tel qu'indiqué dans un de mes derniers billets, il filera donner, le lendemain, jour même de l'anniversaire, une autre conférence au Musée de la Civilisation de Québec. L'événement est organisé par la régionale Seigneuries – La Capitale de l'Association Québec-France, la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs, the Société historique de Québec, et le Musée de l’Amérique française. Pour vous faire une idée du contenu de ces conférences, vous pouvez jeter un coup d'oeil à la vidéo de la conférence que Vaugeois donnait sur ce même sujet en février 2012.
P.-F.-X.
Pouvez-vous me donner la référence à l'ouvrage de Catherine Desbarats? Avez-vous lu les pages que je consacre à la question dans Les Premiers Juifs D'Amérique? Septentrion prépare d'autres travaux sur la question.
ReplyDeleteSalutations. Denis Vaugeois
Ravi de vous compter parmi mes lecteurs, Monsieur Vaugeois! Je crains toutefois ne pas être en mesure de vous fournir la référence que vous espérez. Catherine Desbarats partage périodiquement le fruit de ses recherches et de ses réflexions sur les finances et l'endettement public français lors de colloques et d'ateliers, mais on attend toujours le magnum opus "dechênien" (j'ose inventer l'adjectif, déf.: "digne d'une Louise Dechêne") qu'elle prépare.
ReplyDeleteÀ l'écrit, donc, il faudra se contenter de son "France in North America: the net burden of empire during the first half of the eighteenth century", paru il y a déjà longtemps dans _French History_, 11, 1 (1997), p. 1-28; et de brefs commentaires dans une entrevue consentie au _Bulletin d'histoire politique_, 15, 3 (2007).
Je vous recommande par ailleurs d'avoir l'oeil sur Alexandre Dubé, dont les recherches en cours portent sur "l'Affaire de la Louisane", moins bien connue mais non moins intéressante que celle du Canada. Sa thèse de doctorat, disponible en version intégrale en-ligne, s'intitule "Les biens publics. Culture politique de la Louisiane française 1730 - 1770" (McGill, 2010).
P.-F.-X.